Douzième Elévation
Cœur patient à nous attendre.
Troisième désir du Cœur Eucharistique de Jésus : nous voir correspondre à la grâce de son appel
I
Réflexion. – La longanimité et la clémence d’un être puissant, qui suspend le châtiment d’un coupable, attendant que le repentir, qui amène l’amendement, vienne suffire à sa punition. La longanimité est d’autant plus touchante, que celui qui attend pourrait forcer celui qui tarde à s’amender, mais il respecte sa liberté, préférant attendre pour devoir tout à sa volonté.
II
Jésus – L’attente du juste fait sa joie[1], parce qu’elle marque son espérance. L’objet de mes désirs, ô mon peuple, ne l’as-tu pas compris ? c’est de te voir marcher dans la voie des préceptes, c’est que, te rendant enfin à ma grâce, tu la secondes et accomplisses l’œuvre pressante de ton salut, marchant jusqu’au terme sans t’arrêter désormais.
Mon Père parlait autrefois aux patriarches et ne dédaignait pas de descendre avec eux aux moindres détails de la loi pour l’accomplissement de sa volonté sainte. Moi, son Verbe, qu’il a envoyé parler en son nom en vous disant : « C’est mon Fils bien-aimé, écoutez-le[2] », je vous ai apporté la loi de grâce, et pendant ma vie mortelle je vous l’ai enseignée.
Mes trente années d’obscurité vous ont montré l’humilité, qui doit longuement poser la base des œuvres divines dans une vie intérieure et cachée; mes trois années de prédication vous ont dit comment la vie active doit s’unir dans une mesure moindre à la vie contemplative pour former en vous cette vie mixte dont j’ai donné l’exemple; et ma Passion et ma mort, en vous purifiant de mon sang, vous ont révélé la part de pénitence que j’ai faite pour chacun de vous et celle qui vous reste à faire vous-mêmes pour qu’elle soit complète.
Toutefois ces enseignements, si frappants soient-ils, complétés par la parole du Saint-Esprit et la lecture des Livres saints, n’auraient pas suffi devant votre incapacité et pour que vous arriviez à compléter l’œuvre de votre salut[3] ; il m’a fallu ajouter, à ma vie mortelle, ma vie eucharistique, établie à me permettre de la verser en vous, afin qu’une vie forte et puissante vînt sans cesse renouveler les appauvrissements continuels de la vôtre, causés par le péché.
Mais encore une vie simplement vivante vous apportant un germe d’immortalité ne vous aurait pas contentés, il vous fallait une vie aimante qui vous instruisît par l’amour ; voilà pourquoi je vous ai donné mon Cœur, et pourquoi ce Cœur vous appelle, vous aspire, avec un très vif désir vous attend.
Donc, ô mon peuple, applique ton cœur, de tes yeux vois, de tes oreilles écoute cette fois[4] et réponds à ma voix, car si tu tardes encore, peut-être quand tu viendras, ne sera-t-il plus temps[5].
III
L’âme – Qu’est-ce que l’homme, pour que vous daigniez ainsi vous occuper de lui[6] ? C’est donc quelque chose de bien précieux qu’une âme, et l’amour divin dans cette âme ? … Mais j’ai pu faire attendre un Dieu ! …
Vous, Seigneur, vous ne m’avez pas seulement attendu, vous êtes venu plus d’une fois frapper à la porte[7] de cette âme rebelle.
Vous avez frappé avec les tendres prévenances de votre grâce, en des circonstances dont je me souviens, hélas !…
Vous avez frappé avec des rayons de lumière, qui m’auraient éclairée si je n’avais pas été aveugle volontaire.
Vous avez frappé par la crainte, par l’amour, par l’épreuve … et je n’ai pas ouvert ou n’ai ouvert qu’à demi … et vous n’êtes pas entré, mais attendiez, Seigneur, et aujourd’hui, grâce à votre patience, je suis vaincue et j’ouvre.
Entrez, Seigneur Jésus, à mon tour je vous dis : Venez, prenez possession de tout mon être, et aussitôt je vous suivrai à votre saint Tabernacle, non seulement pour enchaîner ma volonté à celle de votre Père, mais pour m’attacher à votre Cœur et ne plus vous quitter, appliquer mon cœur, voir de mes yeux, et de mes oreilles entendre ce que vous daignez me dire.
Dure à entendre que j’étais, je n’avais pas compris que là, aussi bien qu’à Bethléem, à Béthanie, au Calvaire, était votre Cœur, et plus caché et plus aimant et plus à moi encore !
Je m’approchais bien de votre Sacrement auguste, mais pendant que prosternée j’adorais votre Corps sacré, votre sainte âme, votre divinité, je ne pensais pas que ce Cœur palpitant d’amour attendait un regard du mien !… J’oubliais que c’était le Sacrement de l’amour et que votre Corps sacré n’était là que pour y garder votre Cœur et nous attendre jusqu’à la fin. Jesus… cum dilexisset suos… in finem dilexit eos[8].
Ô Jésus, c’est moi qui à présent vous attendrai, et si par mes délais j’ai mérité les vôtres, je ne me lasserai pas de dire à la porte de votre demeure : Je vous attends, Seigneur, et en attendant j’attendrai et ma consolation sera de vous attendre, puisque j’espère en vous[9]. Le Seigneur est un Dieu d’équité ; heureux tous ceux qui l’attendent, plus heureux encore ceux qui ne l’ont pas fait attendre et ont couru dans la voie.
13e Elévation : Cœur pressé de nous exaucer
[1] Cf. Prov. X, 28.
[2] Cf. Luc IX, 35.
[3] Cf. I Thess. V, 9.
[4] Cf. Jerem. V, 1.
[5] Cf. Eccli. V, 8.
[6] Cf. Job VII, 17.
[7] Cf. Apoc. III, 20.
[8] Cf. Jean XIII, 1.
[9] Ps.XXXIX, 1: « Exspetans, exspetavi Dominum, et intendit mihi. »