Quatorzième Elévation

Cœur désirant qu’on le prie

Cinquième désir du Cœur Eucharistique de Jésus : la louange divine

I

Réflexion. – Le désir d’accéder à une demande révèle un grand amour et un cœur doublement généreux, qui, non content de donner, prévient celui qui doit le préve­nir, afin de donner plus vite ; c’est en outre une grande humilité. Jésus s’incline vers nous, et c’est en quoi consiste l’humilité de Dieu. Mais c’est moins la prière de supplication que celle de louange qui est ici l’objet du désir de Jésus.

II

Jésus – Vous qui bénissez le Seigneur, relevez sa gran­deur autant que vous le pourrez, car il est au-dessus de toute louanges, et fortifiez-vous de plus en plus, afin de ne pas vous lasser, car vous ne comprendrez jamais ce qu’il est et ce qu’il mérite. Que votre prière soit conti­nuelle[1]. Venez, adorons-le, car mon Père est aussi votre Père dans les cieux. Priez avec moi, par moi et en moi, afin que votre hommage lui soit agréable.

Que son nom soit sanctifié[2], comme il doit l’être ; que tous les hommes le connaissent et proclament son nom trois fois saint. Il ne règne pas dans tous les cœurs, hélas ! Ah ! demandez que ce règne arrive et qu’il étende ses bienfaits sur toute la terre ; que les nations se conver­tissent à la foi et mon Eglise, mon épouse, règne aussi triomphante à côté de moi ; que tous les hommes soient frères et ne forment entre eux qu’un cœur et qu’une âme[3] pour aimer et louer le Seigneur tout-puissant. Avec toutes les créatures, publiez ses grandeurs, et vous qui avez une âme créée à son image, manifestez sa gloire par la sagesse de votre conduite.

Que sa volonté surado­rable et infiniment sage soit accomplie avec allégresse de l’orient à l’occident, comme dans l’étendue des cieux, car il est le souverain monarque de l’univers. Et maintenant ce qu’il faut louer de toutes vos voix et de tous vos cœurs, ce qu’il faut exalter nuit et jour[4] avec transport, avec in­cessante action de grâce et perpétuelle adoration, c’est la donation suprême de ce pain vivant descendu du ciel[5], de ce pain quotidien de vos âmes, pétri de mon sang divin et qui est ma chair, lequel vous a été donné par mon Père, lui donc le nom est grand parmi les nations et pour qui est offerte en tous lieux, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, une oblation pure[6].

III

L’âme – Seigneur, vous m’avez appris la louange et la supplication ; ah ! que j’aime à redire après vous cette hymne de votre charité envers votre Père et en­vers vos créatures ! Est-il de plus beaux modèles, de plus abondants sujets d’oraison que cette oraison même du Seigneur ? Vous voulez, ô Jésus, que notre prière soit constante, non seulement à cause de l’impérieux besoin où nous sommes de votre continuelle assistance, mais parce que votre auguste présence au milieu de nous l’or­donne.

Ah ! Jésus-Hostie, quand vous êtes là, mêlé en quelque sorte à la fange de notre bas séjour, nous pou­vons oublier le prosternement perpétuel dans lequel doivent nous plonger comme invinciblement l’admi­ration et la reconnaissance, comme aussi la réparation pour l’oubli d’un aussi grand devoir !

Mais vous êtes bon, ô Jésus, vous savez que les misérables assujettisse­ments de cette vie mortelle imposent aussi des devoirs qui nous retiennent longtemps loin de vos temples, et nous ne pouvons pas prier toujours au saint lieu où votre Corps Eucharistique a pris sa résidence ; mais votre Cœur s’est-il imposé des bornes ?

De même que mon corps loin de votre sanctuaire ne retient pas mon cœur fixé en vous par la volonté, de même, ô Jésus, votre Cœur me suit et il entend la prière secrète que mes lèvres ne murmurent pas. Les substances douées d’une grande force d’expansion brisent leur contenant ; mais vous qui renfermez toutes les propriétés, vous, ô Jésus, vous ne bri­sez rien, vous dilatez, et vos œuvres s’accomplissent avec douceur ; les parois du tabernacle vous contiennent sans vous restreindre ; votre substance glorifiée pénètre et remplit tous les milieux.

Quand vous dites : Viens, et que rien ne l’arrête, je dois m’élancer ; mais quand le devoir s’impose, c’est vous-même qui venez… vous traversez l’espace, et comme le parfum qui remplit l’air que je res­pire, vous êtes là, et par votre grâce mon sacrifice devient un sacrifice d’agréable odeur. Votre Cœur Eucharistique reçoit ainsi un hommage perpétuel, c’est pour cela que chacun de nous peut l’accomplir toujours en tous lieux et sous toutes les formes. Mais, ô Jésus, votre Père ne vous a-t-il pas glorifié le premier dans votre Eucharistie ? – Cette gloire n’est-elle pas la première parole qui soit sortie de vos lèvres encore teintes de votre propre sang, aussitôt après la Cène : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié : Nunc clarificatus est Filius homini[7]. »

Quel sacrifice d’immolation avant votre mort au Calvaire était plus digne de son amour glorificateur que votre Eucharistie, puisqu’elle était votre immolation sans fin devançant et continuant le sacrifice de la Croix ! Oh ! qui saura jamais quels ineffables rayons de paternelle tendresse enveloppent cet incomparable Fils dans son linceul sacramentel ! et quels accents d’amour filial s’en élèvent !… Fermons les yeux et abîmons-nous dans cet infini, ô Père, ô Fils, ô Saint-Esprit ! Ô Trinité et unité! Ô Jésus, ô Hostie sacrée !…

15e Elévation : Cœur foyer de nouvelles grâces


[1] Cf. Luc XVIII, 1.

[2] Cf. Matth. VI, 9. 

[3] Cf.  Act. IV, 32. 

[4] Cf. Ps. I,2.

[5] Cf. Jean VI, 41. 

[6] CF. Malach.  I, 11. 

[7] Cf. Jean XIII, 31.