Seizième Elévation
Cœur silencieux voulant parler aux âmes Septième désir du Cœur Eucharistique de Jésus :
Jésus désire qu’on l’écoute et qu’on adhère à lui
I
Réflexion – Quelle est cette apparente contradiction ? un silence qui veut parler ? – Le silence, ordinairement, ne dit qu’une chose, c’est qu’on ne veut rien dire ; il est bien quelquefois la plus éloquente expression d’un sentiment profond de l’âme, mais cette éloquence n’est que transitoire et ne constitue pas un entretien propre à instruire et à toucher les âmes. Ce prodige ne peut appartenir qu’à la puissance divine. En effet, quelle autre langue pourrait être la langue de Dieu?… C’est dans le silence que les anges s’entendent avec sa Majesté ; et aussi que les saints ici-bas traitent avec Elle : Ma bouche est sans paroles devant vous et mon silence vous parle. Mais s’il est un lieu ici-bas où le Cœur de Dieu se répand sans bruit de paroles, c’est bien dans le Sacrement de son amour ; aussi, pour nous initier à ce merveilleux langage, le Cœur Eucharistique de Jésus y convie les âmes : car, de même que les autres langues, celle-ci ne s’apprend que par l’usage.
II
Jésus – Je mènerai l’âme dans la solitude, et là je lui parlerai au cœur[1]. Je ne suis pas dans le bruit. Je me tais quand l’impie me brave, quand des mains ou des lèvres sacrilèges profanent mon corps sacré, parce que ma parole serait alors une flèche aiguë[2], tandis que mes anathèmes sont contenus dans ma patience éternelle. Mais je parle à ceux qui me cherchent, et ceux-là me trouvent, ils entendent ma voix[3]. Ô brebis fidèle, toi qui sais me répondre quand je dis : Viens ! et toi qui entends, mais ne viens pas toujours, je m’adresse à vous aujourd’hui, apprenez à écouter. Mais quelle est cette solitude où je vous conduis pour entendre le doux murmure du langage du ciel ? c’est le tabernacle du Sauveur, l’éloignement du monde, l’oubli des créatures, l’apaisement des passions, l’absence de tout milieu entre vos âmes et mon esprit d’amour. Recueillez-vous et faites silence au moins « une demi-heure[4] » et puis encore après, car si j’allais vous parler, moi, le Seigneur votre Dieu, et que vous ne m’entendissiez pas !!! Donc, soyez aux écoutes de mon Cœur silencieux dans l’Eucharistie, qui veut parler à vos âmes.
Mais il ne suffit pas d’écouter, il faut adhérer : ma parole est pénétrante, elle descend avec suavité dans le fond de l’être pour le vivifier ; c’est un acte, elle fait ce qu’elle dit : adhérez à cet acte, correspondez à la grâce. Mon Père dans son éternel silence a prononcé en lui-même une éternelle parole, son Verbe, splendeur de sa substance : Jesus Splendor Patris, et vous avez adhéré au Verbe en croyant en moi. Et moi, j’ai conçu dans mon Cœur une parole que j’ai dite à la fraction du pain : Hoc est corpus meum, hic est sanguis meus : Ceci est mon corps, ceci est mon sang[5]. Cette parole sacrée, oh ! n’est-elle pas le rayonnement voilé de ma propre substance ? Adhérez à mon Sacrement, ô mes bien-aimés, en vous nourrissant de ce pain et en adorant avec transport le Cœur de Celui qui vous l’a donné. Ah ! puissent les artères de votre cœur adhérer à ce Cœur même ! Alors vous réaliserez mon désir le plus ardent et celui de mon Père : que vous soyez un avec moi et par moi en Lui, per eumdem Christum Dominum notrum.
III
L’âme – Jésus-Christ est la parole intérieure du Père, et quand il s’est revêtu de notre nature pour exercer au dehors le ministère de la parole extérieure, il n’a pas perdu pour cela cette qualité de la parole intérieure qui demeure dans le sein du Père, mais qui s’insinue dans les cœurs en illuminant tout homme venant en ce monde. Vous ne faites plus entendre, Seigneur, la parole extérieure qui a retenti dans la Judée, où vous avez passé en faisant le bien, mais vos discours ont été recueillis, et nous en possédons les trésors.
Maintenant vous êtes rentré dans le silence de la majesté divine, vous ne parlez plus qu’à votre Père et dans son auguste langage. Et pourtant, ô Jésus, dans votre demeure eucharistique, placée entre le ciel et la terre, comme la tente d’un voyageur à la fois divin et humain, vous nous dites que là encore vous voulez nous parler : que direz-vous donc, ô mon Seigneur, quand vous avez tout dit ? Ah ! la parole que vous donnez ici, c’est l’intelligence et l’amour de tous ces enseignements donnés dans le passé, c’est la parole esprit et vie, la parole intime de votre Cœur. Ô Jésus ! combien dois-je être attentive au-dedans et au dehors, à la prédication comme à la lecture de l’Evangile, et combien dois-je ouvrir l’oreille de mon cœur à cette douce insinuation de la vérité, qui se fait entendre sans articuler de paroles, mais qui d’un seul trait entre dans l’âme ! Ô Jésus ! j’écoute : parlez, luisez, éclairez, tonnez, échauffez, fondez les cœurs !
17e Elévation : Cœur doux refuge de la vie cachée
[1] Cf. Osée XI, 14.
[2] Cf. Ps.CXIX, 4.
[3] Cf. Jean X, 27
[4] Cf. Apoc. VIII, 1.
[5] Cf. Marc XIV, 22-24.