Dix-huitième Elévation

Cœur maître des secrets de l’union divine

Neuvième désir du Cœur Eucharistique de Jésus : Jésus désire que les âmes lui soient intimement unies

I

Réflexion – C’est un Maitre, magister : il enseigne ; c’est un Maître encore, possessor : il possède, il a de grands biens ; et enfin, il est Maitre, dominator : il commande à tous. Ce Maître est-il enflé de sa science ? est-il pos­sesseur égoiste ? est-il autoritaire, despote ?

Non, car ce Maître, c’est l’amour même, à la fois science, don et com­mandement. Comme il doit être doux d’écouter ses le­çons, de recevoir de son abondance, d’obéir à ses ordres et d’obtenir ce qu’on souhaite, sachant que son désir est de se donner !

II

Jésus – C’est vous, Père saint, qui avez dit ces pa­roles : Voilà mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances, écoutez-le[1]. Ecoutez-moi donc ici, non plus au Thabor, mais sur cet autel, où, de mon ta­bernacle, je possède, enseigne et donne le secret de cette douce union.

Que vous dirai-je à vous, chères âmes qui me demandez ces secrets que je désire vous révéler et que vous-mêmes cherchez à votre insu quand vous cherchez instinctivement le bonheur, parce que le bonheur parfait, c’est tout le bien et que cette plénitude se trouve seule­ment dans l’union intime avec celui qui la possède et veut bien la donner ? Donc, vous qui désirez connaître ce qui est entre mon Père et moi, soyez un en nous comme mon Père est en moi et moi en Lui[2].

Mais venez à moi d’abord, car je suis la voie ; venez au saint Tabernacle où je fais ma résidence, où je suis établi docteur, maître et dispensateur des richesses de mon Père avec lequel je ne fais qu’un.

Mais comment vous dire dans un autre lan­gage que celui des anges les séraphiques mystères de ce bonheur suprême dont vous pouvez dès ce monde recevoir l’avant-goût ? et ce langage, le comprendrez-vous ? Il est doux, car il est tout amour ; mais parfois il est dur à entendre parce qu’il exclut l’esprit raisonneur et confond le superbe ; l’amour ne raisonne pas, il enseigne sans dis­cours, puisque son enseignement c’est d’aimer.

« Aimer de tout son esprit », c’est cela : c’est le réduire au silence pour l’amour de Dieu. Ici, l’amour donne l’intelligence, c’est la science du cœur. Si donc vous voulez encrer dans ces ineffables secrets, abîmez vos raisonnements dans la foi, et la charité vous obtiendra la lumière. Voilà en quoi consiste le secret de la sainte union sur la terre comme dans le ciel ; apportez-y seulement un cœur simple ou désireux de l’être, le silence de l’humi­lité avec la persévérance du désir, et bientôt vous saurez tout par une heureuse expérience.

La science qui cherche autrement les secrets de Dieu peut apporter des jouis­sances à l’intelligence, mais comme la science humaine a des bornes, le plaisir qu’elle donne reste incomplet, il en résulte qu’elle creuse la vie ou enfle le cœur, et un cœur vide ou un cœur enflé est un cœur malade qui ne saurait goûter la paix. Priez donc le Très-Haut, afin qu’il vous conduise dans les droits chemins de la vérité[3].

III

L’âme – Seigneur, enseignez-moi la voie que je dois suivre, car je ne désire plus que d’aller à vous[4]. Préser­vez-moi de ces lueurs incertaines qui, privées de chaleur, laissent inféconde la terre où elles brillent ; s’il fait clair dans ces âmes, il n’y fait pas chaud et elles végètent parce qu’un principe de vie leur manque : l’amour.

C’est une question, parait-il, entre les docteurs, quelle chose est la plus noble, l’intelligence qui dirige la volonté et qui nous fera voir immédiatement l’essence divine, ou la vo­lonté, qui se porte vers le bien désiré, l’aime et jouit de lui lorsque nous le possédons. Laissons aux théologiens de résoudre cette question.

Quant à nous, rendons grâce de ce qu’il nous est donné de vous connaitre, ô mon Dieu, et de vous aimer. Vous connaitre, c’est le commence­ment du ciel sur la terre, vous connaitre, vous Père saint, et votre Fils adorable mort sur la croix, qui a donné sa vie pour ses brebis et l’a reprise, la leur donnant de nou­veau dans le mystère du Sacrement de l’autel.

Mais vous connaître sans vous aimer, ô Dieu, que serait-ce ? A votre égard, Seigneur, une connaissance dépourvue d’amour, serait-ce une connaissance ? Ne serait-ce pas plutôt un crime ou une folie ? On ne peut appeler connaître de la sorte que ce qui n’a aucun rapport avec notre cœur, aucun droit sur lui ; mais connaître sans aimer en même temps ce qui est aimable et a droit d’être aimé, c’est l’outrager et se déshonorer soi-même, c’est connaître à la manière de Satan, le malheureux qui ne peut plus ai­mer.

Ah ! ceux qui cherchent quel est le plus noble de la connaissance ou de l’amour, devraient, en pensant à la lumière de vie dont parle Notre Seigneur, chercher un mot qui dans notre langue ne fasse qu’une seule chose doublement noble de ces deux grandes choses, quand il s’agira d’un être digne qu’il faut à la fois aimer et connaître, afin qu’il ne soit plus permis de dire qu’il est connu lorsqu’en même temps il n’est pas aimé. Luisant est peu, ardent est beaucoup, luisant et ardent est tout.

Eh ! Seigneur, n’est-ce pas votre amour prévenant qui, en m’aimant le premier, a déposé dans mon âme au saint Baptême le germe de cette charité infuse qui plus tard m’a incitée à vous connaître, pour aimer encore plus ce qui m’attirait, afin de m’unir à ce que j’aime, vous, mon Dieu avec moi, vous-même, Cœur Eucharistique de mon Jésus…

19e Elévation : Cœur de Celui qui dort, mais qui veille toujours


[1] Cf. Matth, XVII, 5.

[2] Cf. Jean XVII, 21.

[3] Cf. Eccli. XXXVII, 19.

[4] Cf. Ps. CXVIII, 64.