Vingtième Elévation

Cœur Eucharistique de Jésus, ayez pitié de nous

 Onzième désir du Cœur Eucharistique de Jésus : respect et invocation de son nom

I

Réflexion – Votre nom est comme une huile répan­due[1], une huile odoriférante[2], qui embaume et adoucit tout. Ce nom, il dit le Cœur, c’est-à-dire l’amour, la bon­té ; il dit l’Eucharistie, c’est-à-dire la grâce, l’action de grâces, la bonne grâce, la beauté ; il dit Jésus, c’est-à-dire Sauveur, nom sacré devant lequel tout genou fléchit dans le ciel, sur la terre et dans les enfers[3], et ce nom, joint à celui d’Hostie, émeut toute âme chrétienne ; Cœur Eu­charistique de Jésus, ce n’est plus la Majesté qui s’ impose, c’est la puissance de la charité, qui chasse la crainte et fait ployer avec les genoux, le corps et l’âme tout ensemble, ineffablement prosternés, pendant que le cœur s’élève et soupire avec l’accent de la confiance : Ayez pitié de nous!

II

Jésus – Dieu dit à Moise : « Je suis Celui qui suis. » Voici, ajouta-t-il ce que vous direz aux enfants d’Israël : le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’a envoyé vers vous. Le premier nom est celui que j’ai de toute éternité, ce­lui-ci me servira de mémorial de génération en généra­tion[4].

 Je veux aujourd’hui m’approprier cette parole de mon Père à Moïse, car « tout ce qui est à mon Père est à moi[5] », et « tout ce qui est à moi est à mon Père[6] ». Le nom que je me suis donné, ne m’est-il pas donné par Lui, puisque ce que je vous dis, je ne le dis pas de moi-­même, mais de mon Père qui demeure en moi et qui fait lui-même les œuvres que je fais[7].

Ce dernier nom de mon cœur est le signe de mon amour par excellence, celui de ma nouvelle alliance avec vous et celui qui sera de généra­tion en génération le mémorial de mon dernier sacrifice pour votre salut ; rendez-lui donc honneur et gloire, et ne m’honorez pas seulement du bout des lèvres[8]; mais que vos prières, vos louanges, vos adorations, fassent monter constamment un pur encens. Faites connaitre, faites aimer, faites glorifier mon Cœur Eucharistique et, je vous le répète, j’exaucerai vos prières et je vous bénirai[9].  

III

L’âme – Ô Cœur Eucharistique de Jésus, « ayez pi­tié de nous », ayez pitié de nous, vous qui êtes un Dieu plein de compassion et de clémence, patient et rempli de miséricorde.

Ayez pitié de votre Eglise depuis si longtemps en butte à des ennemis qui se fortifient pour la faire souffrir, souvenez-vous que vous êtes sa vie et qu’elle est la vôtre dans la conversation du sacrement auguste de l’Eucha­ristie.

Ayez pitié de notre saint Pontife, votre représentant sur la terre, et à cause de cela, pour nous, semblable à vous, cœur divin et humain divinisé par sa mission su­prême ; lui, Cœur de la sainte Eglise, et cœur affligé dans sa prison d’amour au Saint des saints de la catholicité.

Ayez pitié de vos prêtres, vos fils et vos maîtres dans l’Eucharistie ; que leurs cours éprouvés restent toujours forts et leurs mains consacrées toujours pures.

Ayez pitié de vos vierges, conservez-les chastes et préservez-les, corps et âme, de toute atteinte.

Ayez pitié de nos enfants, Seigneur, l’avenir de votre peuple aimé et de votre sacerdoce, gardez leur volonté contre le mal qui les environne.

Et puis, doux Cœur Eucharistique de Jésus, ayez pitié de vous-même, lassez-vous d’attendre et que votre règne vienne. Eclairez ceux qui ne vous comprennent pas, projetez sur eux un rayon doux et pénétrant de votre gloire contenue, qu’ils soient forcés de voir, et que ceux qui vous aiment déjà vous aiment encore davantage, ô le plus aimable des cœurs dans le plus touchant des mys­tères.

Enfin ayez pitié de tous, et surtout « ayez pitié de moi qui suis un pécheur[10] ».

Sainte Gertrude, favorisée un jour des apparitions de saint Jean l’Evangéliste, demanda au disciple bien-aimé pourquoi, après avoir eu le bonheur de reposer sur la poi­trine adorable du Sauveur pendant la Cène, il n’avait rien écrit pour notre instruction sur ce divin Cœur. L’apôtre lui répondit par ces paroles remarquables : « J’avais reçu la belle mission d’écrire, en faveur de l’Eglise naissante, la parole du Verbe Incarné ; mais, pour la suavité des mouvements de ce Cœur divin, Dieu s’est réservé de les faire connaître aux derniers âges, dans la vieillesse du monde, afin de rallumer la charité qui se sera très refroidie dans les cœurs[11]. »

Ce temps-là ne serait-il pas le nôtre, ô Jésus ? ne se­rions-nous pas à ces derniers âges du monde, indiqués par la décrépitude morale dans laquelle sont tombées la plupart des nations, et à ce triste moment où la foi est re­froidie dans les cœurs ? Si en effet nous sommes à ces temps malheureux, votre Cœur Eucharistique ne se montre-­t-il pas exprès pour nous indiquer où il faut aller pour connaître ses mouvements et en goûter la suavité contenue dans l’Eucharistie ?

Saint Jean les a connus à la Cène, lorsque penché sur votre sein, il assistait au premier acte eucharistique, tombant de votre Cœur comme un testament, suprême largesse d’un mourant à ceux qu’il aime. Lorsque depuis deux cents ans, la dévotion au Sacré-Cœur nous a révélé toutes les excellences de votre Cœur passible et mortel, que resterait-il à en connaître, sinon les excellences de ce même Cœur, toujours humain quoique glorifié, caché dans l’Eucharistie qui n’est appelée sacrement d’amour que parce qu’elle vient de votre Cœur et le renferme ?


[1] Cf. Cant. I,2.

[2] Cf. Ex. XXXI, 11.

[3] Cf. Phil. II, 10

[4] Cf.  Ex.  III, 14-16. 

[5] Cf. Jean XVI, 15.

[6] Cf. Jean XVII, 10.

[7] Cf. Jean XIV, 10

[8] Cf. Matth. XV, 8.

[9] Cf. Ex. XX, 24.

[10] Cf. Luc XVIII, 13.

[11] Cf. Ste Gertrude, Le Hérault de la Divine Charité, 1. IV, chap. IV