Deuxième Elévation

Cœur Eucharistique de Jésus

I

Réflexion. – Qu’est-ce que le Cœur Eucharistique, C’est le Cœur Sacré de Notre Seigneur Jésus-Christ nous aimant et voulant se donner à nous par le Sacrement de l’Eucharistie. Qualifier le Cœur de Jésus du titre de Cœur Eucharistique, c’est reconnaitre, pour y rendre hommage, l’immensité de son amour dans l’ensemble d’actes par lesquels il a conçu l’institution de la divine Eucharistie, l’a réalisée, l’a perpétuée, s’y est fixé, l’a universalisée et s’est donné à nous par elle, voulant y faire sa résidence et rester ainsi au milieu de nous.

II

Jésus. – Mon Eucharistie a été conçue au sein des pensées éternelles de mon Père, avec qui le Fils est un[1]. C’est mon Père qui vous donne le vrai pain du Ciel[2], et moi, je vous donne mon cœur dans ce pain vivant qui est ma chair[3]. J’ai annoncé mon Eucharistie par la bouche des Prophètes, je l’ai préparée dès ma naissance à Beth­léem, la maison du pain, et durant le cours de ma vie terrestre, la voilant d’abord afin de ménager la faiblesse humaine et prédisposer le monde à recevoir ce mystère d’amour trop élevé pour les intelligences encore dans les ténèbres[4]. Je l’ai réalisée la veille de ma Passion dans l’un des derniers soupirs d’amour de mon cœur passible et mortel : « Hoc est enim corpus meum .[5]» Je l’ai perpétuée en donnant à mes Apôtres le pouvoir de renouveler ce mystère en mémoire de moi : « Hoc facite in meam commemorationem[6] » Je m’y suis fixé; le confident de mon cœur vous l’apprend: «Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin : cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos[7] » – Enfin par l’eucharistie je me livre à vous tous les jours, afin que par la communion de mon corps, de mon sang, de mon âme et de ma divinité, tout mon être divin et humain soit en vous avec mon Cœur Eucharistique, et vous garde pour la vie éternelle’.

III

L’âme. – Saint Jean nous dit que le Verbe[8] de Dieu portait un nom écrit que nul ne sait que lui-même[9]. C’est comme s’il voulait dire, ajoute saint François de Sales : « Mon nom doit être adoré, mais il ne peut être com­pris que par moi, qui seul sais proférer le propre nom, par lequel vraiment et simplement j’exprime mon excel­lence[10]. » O jésus, Sagesse éternelle, Docteur des Evan­gélistes, Trésor des fidèles, Agneau sans tache, Pain des Anges, comment pourrions-nous savoir tous les noms qui vous sont dus, à vous le résumé et la source de toutes les merveilles du Créateur, à vous qui concentrez tout ce que le monde renferme de divine clarté, de céleste beau­té, de sublime mystère ; vous le modèle le plus accom­pli, le chef d’œuvre le plus parfait de la nature et de la grâce ! Et tous ces noms bénis ne sont-ils pas réunis dans celui de Cœur Eucharistique de Jésus, puisque le sacrement d’amour reproduit tous vos mystères ?

Ah ! si la plus grande preuve d’amour est de donner sa vie pour ceux qu’on aime[11], en acceptant la mort qui finit l’épreuve, la livrer de manière à mourir sans cesse, à s’immoler mystérieusement toujours, à se donner sans fin : N’est-ce pas aller jusqu’aux dernières limites du sacrifice et de l’amour ? Celui qui crée la possibilité de donner davantage quand il a tout donné, ne surpasse-t-il pas en amour celui-là même qui a donné tout ce qu’il avait ?…

« L’Eucharistie, dit un pieux auteur[12], fut le plus grand effort, l’effusion la plus exubérante de ce Cœur adorable, plutôt encore que cet amour qui le fit s’offrir à la pointe acérée du soldat, même après sa mort, pour répandre la dernière goutte de son sang mêlé d’eau. »

Cœur de jésus, dans votre état passible et mortel, Cœur de Jésus, dans votre état sacramentel ! Cœur de Jésus au ciel, couronne de tous les saints, soyez mille et mille fois béni en toutes les manifestations de votre divin amour !

Amen.   

3e Elévation : Cœur solitaire


[1] Cf. Jean X, 30.

[2] Cf. Jean VI, 32. 3

[3] Cf.Jean VI, 56.

[4] Cf.Jean I, 5.

[5] Cf.Luc XXII, 19.

[6] Cf. id.

[7] Cf.Jean XIII,1.

[8] Cf. Jean XII, 25.

[9] Ap.XIX, 12

[10] S. François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, I. II, ch. 1 (Paris, Vrayet de Surcy, 1863, p. 75).

[11] Cf.Jean XV, 13.

[12] Faber, Saint-Sacrement, t. II, p. 307 (Paris, Bray-Retaux, 1883).