Arriver, regarder le Tabernacle, se mettre à genoux et y rester.
Faire silence, écouter et entendre la parole du Christ : « Viens ! » Le courant s’établit et on voit. C’est comme si tous les obstacles s’écartaient, de l’âme aux saintes espèces, du cœur au Cœur de l’hostie.
C’est un doux moment, mais il ne peut pas durer longtemps. Les distractions se pressent et détournent cent fois la pensée qui sans cesse se retourne. Mais la volonté est fixée, et malgré ces évolutions continuelles, le Cœur Eucharistique est satisfait, il importe peu que je le sois d’ailleurs.
L’infidélité consiste à se lasser de cette poursuite et à quitter avant le temps, ou à chercher un autre moyen plus facile pour s’unir au bon Dieu, comme serait une lecture ou des aspirations. Il faut rester là, regardant Notre-Seigneur. Que vois-je ? rien vraiment ; et pourtant il est bien vrai que je regarde quelque chose et que c’est Dieu que je regarde.
– Et si je persévère à regarder, à tendre, à aimer, à repousser doucement l’obstacle, à laisser tomber, à laisser le démon se lasser sans lui donner prise, eh bien ! mon âme se sent entrer dans une autre vie, sans être le moins du monde enlevée à la vie présente.
C’est quelquefois une plénitude infinie – d’autrefois un vide encore plus rempli de Dieu – un bain de silence et d’infini – Rien d’aperçu pour l’ordinaire, rien de distinct. C’est toujours un désert où l’on ne voit pas le foyer de lumière mais une blanche clarté dans cette immense clarté qui semble être la capacité d’un tout au milieu duquel je nage et qui me remplit.
Ce que Jésus veut être pour nous dans son Cœur Eucharistique, c’est la voie, comme il est la vie quand on le reçoit, comme il est la vérité quand on le regarde, Voie pour mener à Dieu son Père dans ses infinies perfections.
L’état d’abandon qui nous porte à nous perdre en Dieu ne doit pas nous faire oublier la Sainte Humanité du Christ, à laquelle nous devons tout. Jésus est resté là exprès pour être le véhicule de nos âmes entre la terre et le ciel. Il est comme le Dieu du temps, entre l’homme et l’éternité, le chemin direct, unique, pour aller au Père …
… Aussi dit-il : Viens ! je suis en toi, mais sors de toi avec moi et allons à mon Père. – Où ? plus haut, mais sans effort, parce que tu es avec moi ; là, sans monter, sans creuser, sans chercher ; là, dans cet océan où tu flottes, imprégnée de Lui comme une éponge tombée du rocher dans la mer.
Quand l’éponge encore attachée à la branche est baignée par le flot, elle est dans l’Océan, et l’océan est en elle. Elle peut se retourner en soi et dire : Il est là. Mais arrachée et lancée au large, c’est la même chose et c’est plus.
Ce qui l’entraîne, c’est le flot, parce que le flot mène à l’océan avec lequel il est un, et dans lequel il va se confondre, entraînant la petite éponge à laquelle il dit: Viens ! et elle va, pleine de lui, se jeter encore plus en lui, où il y a plus d’espace et plus d’eau … , se perdant et se dispersant en lui pour devenir comme une même chose avec lui à force d’être diminuée, réduite en atome, et de disparaître !…