Cœur Eucharistique de Jésus, doux compagnon de notre exil, je vous adore.

Cœur Eucharistique de Jésus,

Cœur solitaire,

Cœur humilié,

Cœur délaissé,

Cœur oublié,

Cœur méprisé,

Cœur outragé,

Cœur méconnu des hommes,

Cœur aimant nos cœurs,

Cœur suppliant qu’on l’aime,

Cœur patient à nous attendre,

Cœur pressé de nous exaucer,

Cœur désirant qu’on le prie,

Cœur foyer de nouvelles grâces,

Cœur silencieux voulant parler aux âmes,

Cœur doux refuge de la vie cachée,

Cœur maître des secrets de l’union divine,

Cœur de Celui qui dort, mais qui veille toujours.

Cœur Eucharistique de Jésus, ayez pitié de nous.

Jésus-hostie, je veux vous consoler,

Je m’unis à vous, je m’immole avec vous,

Je m’anéantis devant vous,

Je veux m’oublier pour penser à vous,

Être oublié et méprisé pour l’amour de vous,

N’être compris, n’être aimé que de vous ;

Je me tairai pour vous entendre et me quitterai pour me perdre en vous.

Faites que je soulage ainsi votre soif de mon salut, votre soif ardente de ma sainteté, et que, purifié, je vous donne un pur et véritable amour.

Je ne veux plus lasser votre attente : prenez-moi, je me donne à vous.

Je vous remets toutes mes œuvres, mon esprit pour l’éclairer, mon cœur pour le diriger, ma volonté pour la fixer, ma misère pour la secourir, mon âme et mon corps pour les nourrir.

Cœur Eucharistique de mon Jésus dont le sang est la vie de mon âme, que je ne vive plus, mais vivez seul en moi.

Ainsi soit-il.

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Commentaire de Sophie Prouvier (1817-1891), messagère des apparitions du Coeur Eucharistique :

Cette prière renferme toute la doctrine, toute la substance de la dévotion au Coeur Eucharistique de Jé­sus.

Avant tout, c’est le dogme : la foi au mystère de la très sainte Eucharistie renfermant et nous donnant subs­tantiellement le corps, le sang et la divinité de Notre-Sei­gneur Jésus-Christ ; ce mystère, c’est l’effet de son amour

suprême pour nous, c’est le fruit de son Cœur justement appelé pour cela Eucharistique [1].

La prière commence ainsi : Coeur Eucharistique de Je­sus, doux compagnon de notre exil… C’est comme si Jésus disait à l’âme qui marche tristement seule ici-bas sur une terre étrangère: «populus tuus, populus meus; non, tu n’es pas seule, car je serai avec toi, si tu le veux; partout et tou­jours, je ferai mon peuple même de ce peuple étranger au milieu duquel tu chemines et eu pourras t’appuyer sur un cœur ami; il te donnera une nourriture sacrée, le vrai pain du voyageur et un doux viatique, un vivant cordial, puissant réconfort, qui te soutiendra dans les épreuves et les fatigues de la route. »

La prière continue par : Je vous adore. C’est la mo­rale chrétienne dans l’exercice de la plus haute vertu, l’amour de Dieu, exprimé et manifesté par un acte par­fait de religion [2]. L’adoration, inspirée par l’amour, est un des premiers devoirs en face d’un Dieu avec nous, et l’amour, un amour sans bornes, et le premier besoin de la reconnaissance devant un pareil bienfait [3]. Il faut donc traiter ce divin Roi avec honneur et ce divin Cœur avec amour. Il est chez nous, il faut lui tenir compagnie ; « Le Maître est là, il vous appelle », nous dit encore Marthe, comme elle le disait autrefois à Marie.

Mais comme cette adorable visite est un effet de l’amour du Maitre, c’est à son Cœur qu’il faut s’adresser. Madeleine le faisait ainsi, car c’est la part d’hommage qu’il préfère, puisque lui-même a dit que c’est la meilleure, la seule nécessaire, encore que les autres soient bonnes ; Marthe n’aurait pas été reprise, si elle n’eût pas dérangé sa sœur. L’adoration, dominant l’action par l’amour, devant l’amour du Cœur Eucharistique de Jésus, l’adoration, disons-nous, est l’es­sence de cette dévotion, c’est pourquoi il n’est pas néces­saire de répéter : Je vous adore, après chaque invocation comme dans une litanie.

Les sept premières invocations: Cœur solitaire, Cœur humilié, Cœur délaissé, Cœur oublié, Cœur méprisé, Cœur outragé, Cœur méconnu des hommes, sont comme l’écho navrant des plaintes de Notre-Sei­gneur, devant les traitements indignes que son Cœur patient supporte dans la sainte Eucharistie. Ces tendres

reproches semblent des gémissements traversant les voiles sacramentels qui dérobent à nos yeux les flagel­lations cruelles, quoique non sanglantes, de cette autre passion, celle de l’Eucharistie, où tout s’adresse au Cœur de Jésus parce que son corps ne peut plus souffrir. Ce Cœur, il est vrai, est lui-même inaccessible à la douleur, mais puisqu’il ne peut cesser d’aimer, il ne peut pas être insensible à l’amour qui lui est dû et qu’on lui refuse [4]. Qui ne comprendra la délicatesse et l’intensité des sen­timents d’un Dieu devant l’outrage fait à sa justice et à son amour? Voilà, répète-t-il du fond de son tabernacle comme à sainte Marguerite-Marie, voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’après avoir donné une fois pour eux tout son sang, il a trouvé moyen de se donner lui-même tout entier, tous les jours, et les ingrats en grand nombre, hélas! le délaissent, le méprisent, l’outragent; il s’en plaint … Pour reconnaissance, je ne reçois de la plu­part, que des ingratitudes, par les mépris, les irrévérences, les sacrilèges et la froideur qu’ils ont pour moi dans ce sacrement de l’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consa­crés qui me traitent ainsi [5].

Ils m’entourent, mais ne se donnent pas … ne me consolent pas !… Ils me reçoivent, oui ; mais je reste so­litaire en leur âme … oublié … méconnu … Toi du moins, âme qui m’as aimé, ton cœur aujourd’hui est-il droit avec mon Cœur, comme mon Cœur l’est avec le tien ?

Les dix invocations qui suivent se rapportent à un autre ordre de sentiments : Cœur aimant nos ceurs, C@eur suppliant qu’on l’aime, Coeur patient d nous attendre, Cœur pressé de nom exaucer, Ceur désirant qu’on le prie, Cœur foyer de nouvelles grâces, Cœur silencieux voulant parler aux âmes, Cœur doux refuge de la vie cachée, Ceur maître des secrets de l’union divine, Ceur de Celui qui dort, mais qui veille toujours.

Les déchirantes plaintes de Notre-Seigneur semblent avoir été comprises, et l’âme réveillée de son assoupisse­ment, saisie, confondue, répète avec l’accent profond de la douleur: Quoi !  solitaire !… humilié !… méprisé !… le Cœur de mon Seigneur et mon Dieu! …

Et voilà que le repentir a désarmé la justice. Jésus a laissé deviner l’ineffable cause de ses plaintes, c’est qu’il aime nos cœurs ! et, Dieu voilé, il nous a pardonné de l’avoir méconnu. Dès lors, paraissant oublier ses droits, et comme s’il était consolé, presque satisfait, les plaintes ont cessé. Son Cœur s’est incliné miséricordieusement vers l’âme repentante, ne laissant plus entendre que ses désirs.

Avec l’expression d’une douce tristesse, Jésus, parais­sant abdiquer sa justice, presque sa dignité, nous regarde et nous supplie de l’aimer ; il est le feu sacré de la charité ; or, de la nature du feu est de se communiquer et par là même de s’alimenter ; c’est pourquoi il demande l’amour avec l’instance d’un pauvre qui demande du pain ! il a faim, il a soif de nous … Sitio! Il rappelle la longanimi­té de sa patience à nous attendre, mais il avertit qu’il est temps et que ce temps presse, qu’il a hâte de nous exaucer.

Comme dans son agonie au jardin des Oliviers, il désire qu’on le prie, demeurant à côté de lui, puisqu’il souffre à côté de nous. Nous avons longtemps abusé de ses grâces, il est vrai ; mais dans l’inépuisable foyer de sa charité, il en a de nouvelles, nous assure-t-il, que nous n’avons pas encore flétries, que nous ne connaissons pas et qui nous sont destinées. Dans son silence d’attente, il a des secrets à nous révéler, des secrets de miséricordieuse bonté pour les pécheurs et les malheureux, des joies intimes pour la sainte Eglise, pour son Pontife sacré et pour les âmes unies à son Cœur Eucharistique, doux refuge de la vie et veillant encore sur nous dans son apparent sommeil.

Devant cette inénarrable tendresse du Cœur de Jé­sus, l’âme chrétienne subjuguée par la reconnaissance, a reconnu l’immense amour de son Dieu ; sa volonté s’est livrée, Jésus l’a reçue, et maintenant c’est lui qui écoute. Cœur Eucharistique de Jésus, s’écrie l’âme, ayez pitié de nous ! Cœur Eucharistique… vous si longtemps privé d’hommages ! Saint Jean-Baptiste voyait le présent et l’avenir quand il disait : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas [6]»

O vous que je connais maintenant ayez pitié de moi ! J’ai blessé votre Cœur dans son triple amour: l’amour qui m’a racheté, l’amour qui m’attend dans la gloire et l’amour qui vous enchaîne sur l’autel jusqu’à la fin des temps! Ayez pitié de moi, afin que, rendu à vous et purifié, je puisse un jour vous offrir un amour véritable, car je veux vous consoler, vous faire oublier les outrages, ‘ingratitude et l’indifférence dont vous êtes si souvent l’objet. Je veux répondre à votre ap­pel: «J’attends la compassion, mais en vain, des conso­lateurs, et je n’en trouve aucun [7]. » Pour nous sanctifier et nous sauver, Vous, le Dieu fort, avez voulu connaître l’angoisse, l’accablement, et être secouru par un ange à Gethsémani ; Vous le Dieu de toute consolation [8], vous voulez la recevoir de nous ! Donnez-nous de répondre généreusement à cet appel.

C’est la supplication jointe à l’action de grâces, qui, s’unissant à la réparation, va commencer l’adoration consolatrice autour des tabernacles de l’Eucharistie et de l’amour suprême qui l’institua, amour qui nous est signi­fié par ce mot: Cœur Eucharistique. In finem dilexit eos [9].

Ce culte est destiné à honorer Jésus, son Ccur qui nous donna l’Eucharistie, l’Eucharistie même ; nous de­vons l’honorer comme il le désire, du moins le mieux qu’il nous sera donné de le faire, pour désaltérer sa soif ardente d’être honoré dans le Saint-Sacrement [10].

Les dernières aspirations présentent la pratique de cette dévotion : Jésus-Hostie, m’unir à vous… m’immoler avec vous … m’anéantir devant vous … etc … L’union est le premier vœu de l’amour; écarter les obstacles à l’union en est l’invincible tendance; or, comme c’est dans notre cœur que sont les principaux obstacles à la pureté que demande l’union avec Dieu, l’âme promet enfin l’oubli

des créatures et l’oubli d’elle-même, le renoncement, la générosité, le désintéressement et la donation complète de son être, afin de pouvoir dire un jour avec l’Apôtre: Vivo ego, jam non ego, vivit vero in me Christus.

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[1] Comme l’air pur est dit sain, parce qu’il entretient la santé, ainsi le Cœur Sacré de Jésus, en tant qu’il nous donne l’Eucharistie, est appelé Eucharistique. Le cœur généreux du donateur se manifeste par le don qu’il nous fait, et il reçoit ainsi une dénomination nou­velle.

[2] L’adoration, dit saint Thomas (Ila Ilae, q. 84, a. 1 et 2) est un acte de latrie, dû à dieu seul, à cause de sa souveraine excellence … et comme la prière est premièrement un acte intérieur de l’âme et s’exprime ensuite extérieurement par des paroles, de même l’ado­ration consiste principalement dans l’acte intérieur par lequel nous nous inclinons avec un profond respect devant l’infinie majesté de Dieu, et secondairement elle s’exprime par l’humble attitude de notre corps. Ainsi la génuflexion exprime notre faiblesse et notre in­digence devant Dieu, et nous nous prosternons en sa présence pour reconnaître que par nous-mêmes nous ne sommes rien.

[3] La charité, dont l’acte premier est l’amour de Dieu, doit ins­pirer et animer toutes les autres vertus qui lui sont subordonnées, particulièrement la vertu de religion, qui rend à Dieu le culte qui lui est dû. L’amour que nous devons avoir pour Notre-Seigneur, doit ainsi animer, inspirer notre adoration et notre gratitude ; la vue du bienfait nous fait aimer le donateur pour lui-même, plus encore que les dons qu’il nous fait.

[4] Sur ces plaintes de Notre-Seigneur et sur le sens dans lequel il faut entendre l’expression « consoler son Cœur Eucharistique », voir la préface de cet ouvrage.

[5] Marguerite-Marie par Mgr Languet.

[6] Cf. Jean I, 26: « Medius autem vestrum stetit, qem vos nesci­tis. »

[7] Cf. Ps. LXVIII, 1 : « Et sustinui qui simul contristaretur et non fuit, et qui consolaretur et non inveni. ».

[8] Cf. II Cor. 1, 3 : « Deus totius consolationis. »

[9] Cf Jean XIII, 1.

[10] Cf.Ste Marguerite-Marie, Vie et Euvres, édit. Gauthey, 1920, t. II, p. 580.

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